STATHOUDER

STATHOUDER
STATHOUDER

STATHOUDER ou STADHOUDER

Le mot néerlandais stathouder représente l’équivalent du latin médiéval locum tenens (en français lieu-tenant) et désigne celui qui tient la place d’un chef et commande en son absence. Le stathoudérat, ou fonction de gouverneur d’une province par délégation et au nom du souverain, est attesté dans les Pays-Bas dès le XIIIe siècle, du moins de manière occasionnelle et toujours à titre temporaire. La fonction ne sera guère établie que sous Philippe le Hardi et finalement codifiée sous Charles Quint: le stathouder siège au Conseil d’État et préside le collège de justice ou cour souveraine, il convoque les états. À partir de 1566, la rébellion des provinces néerlandaises va déterminer une évolution de la fonction, qui restera entachée d’une certaine ambiguïté. Ainsi, entrant en conflit avec son souverain, le roi d’Espagne, Guillaume d’Orange se démettra de ses fonctions de stathouder de Hollande, de Zélande et d’Utrecht, en 1567, et s’exilera, mais, en 1572, les états réunis à Dordrecht le reconnaîtront comme seul stathouder. Jusqu’en 1581 la fiction de l’allégeance au souverain espagnol sera maintenue: certains stathouders seront encore nommés par ce dernier, d’autres désignés par les états généraux «au nom du roi d’Espagne», avec la mission de conduire la révolte.

Après 1581, l’ambiguïté subsiste un temps touchant l’autorité dont le stathouder est le lieutenant au sein d’une ou de plusieurs provinces. En 1584, Maurice de Nassau sera nommé par les états de Hollande et de Zélande stathouder de ces provinces. Cette nomination sera confirmée en 1586 par les états généraux, qui lui conféreront encore le stathoudérat d’Utrecht, de Gueldre et d’Overijssel. Toutefois, le particularisme provincial devait l’emporter: les successeurs de Maurice de Nassau et de son cousin Guillaume Louis de Nassau, stathouder de Frise et de Groningue, seront toujours choisis par les états provinciaux. On peut relever avec l’historien hollandais P. Geyl une autre ambiguïté: «ministre» du souverain, en l’occurrence des états provinciaux, le stathouder avait droit de regard sur la nomination des magistrats et échevins des villes, en fin de compte sur la nomination de ses maîtres, les états d’une province se composant des délégués des villes.

Au cours de la guerre de Quatre-Vingts Ans, les attributions et le prestige du stathouder s’accrurent sensiblement. Maurice de Nassau joignait à sa fonction traditionnelle de gouverneur de provinces (les plus importantes de l’Union d’Utrecht) celles de capitaine général et d’amiral général. La chute du grand pensionnaire Oldenbarnevelt, en 1619, consacrait enfin sa victoire politique sur le représentant le plus éminent des régents de Hollande. On put alors penser à un changement du système politique. Comme le note J. Romein, c’est la première fois que cette possibilité s’offrait à un Orange, mais pas plus que Guillaume III, Guillaume IV et Guillaume V par la suite, Maurice de Nassau ne la saisit. Son demi-frère Frédéric-Henri, qui lui succéda en 1625, devait exercer, surtout après 1630, un véritable pouvoir monarchique et, semble-t-il, s’évertua à créer les conditions les plus propices à la reconnaissance de jure d’un tel pouvoir. C’est ainsi qu’en 1631 les cinq provinces de Hollande, de Zélande, d’Utrecht, de Gueldre et d’Overijssel, dont il était stathouder conférèrent à son fils, le futur Guillaume II, la survivance du stathoudérat, à laquelle devait s’ajouter en 1639 celle de la capitainerie générale. Honoré du titre d’Altesse par la France en 1637, Frédéric-Henri obtenait pour son fils la main de Marie, fille aînée de Charles Ier d’Angleterre, tandis qu’une de ses filles épousait l’Électeur de Brandebourg. Enfin Frédéric-Henri devait renforcer considérablement ses pouvoirs et son influence au sein du Conseil secret (Geheim Besogne ) auquel étaient réservées les affaires extérieures et dont il assumait la direction. Toutefois, dans les dernières années de son stathoudérat, les régents de Hollande affermirent singulièrement leur position, et la paix de Münster en 1648, qui marquait leur victoire, porta un coup très dur à la maison d’Orange.

À la mort du jeune Guillaume II en 1650, les provinces de Zélande, de Hollande, d’Utrecht, de Gueldre et d’Overijssel omirent de nommer un nouveau stathouder. Cette première période «sans stathouder» dura jusqu’à la guerre franco-hollandaise de 1672, à l’occasion de laquelle la fonction (qui impliquait le commandement unique des forces armées) fut rétablie en faveur de Guillaume III et devint héréditaire par décision des états de Hollande et de Zélande, en 1674. Guillaume III étant mort sans enfants, une nouvelle période «sans stathouder» s’ouvrait, qui dura jusqu’à l’accession de Guillaume IV, en 1747. Dès lors, les Provinces-Unies eurent un stathoudérat unique et héréditaire. La position était celle d’une monarchie constitutionnelle, où la souveraineté reposait toutefois sur les provinces et leurs états. Le stathoudérat ne devait pas survivre à la chute de la République des Provinces-Unies à la fin du XVIIIe siècle.

stathouder [ statudɛr ] n. m.
• 1672; mot néerl. « lieutenant »
Hist. Gouverneur de province, dans les Pays-Bas espagnols. Dans les Provinces-Unies, Titre porté par les chefs de l'exécutif (notamment les princes d'Orange-Nassau).

stathouder ou stadhouder nom masculin (néerlandais stadhouder, de stade, lieu, et houder, qui gouverne) Dans les Pays-Bas espagnols, gouverneur de province, choisi par le souverain. Dans les Provinces-Unies, chef du pouvoir exécutif d'une province ou de l'ensemble de l'Union. (Guillaume Ier de Nassau, gouverneur de la Hollande et de la Zélande, fut fait stathouder de plusieurs provinces lors de la révolte de celles-ci. Il se créa ainsi un stathoudérat qualifié abusivement de « général » et qui prit une apparence monarchique du fait de la tendance à l'hérédité de la fonction.)

stathouder ou stadhouder
n. m. HIST Gouverneur de province, dans les Pays-Bas espagnols.
|| Chef d'une ou de plusieurs provinces des Provinces-Unies, après la proclamation de l'indépendance.

⇒STATHOUDER, subst. masc.
HIST. Gouverneur de province dans les Pays-Bas du XIVe au XVIIe s., puis dans les Pays-Bas méridionaux aux XVIIe et XVIIIe s.; personnage qui, dans les Provinces-Unies outre le commandement des forces militaires, avait des pouvoirs plus ou moins étendus dans une ou plusieurs des sept provinces de l'État. Stathouder de la Frise. Le stathouder, rétabli, s'empara du pouvoir et une Triple Alliance l'unit à la Prusse et à l'Angleterre (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 221).
REM. Stathoudérien, -ienne, adj., hist. Relatif au stathouder, au stathoudérat (infra dér.). Le roi de France avait pris deux fois, en Amérique et en Hollande, le parti des sujets contre leurs princes: sa politique l'avait conduit à soutenir ceux qui combattaient contre le pouvoir royal et stathoudérien (STAEL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 148).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1762. Lar. Lang. fr., ROB. 1985: stathouder, stadhouder. Plur. des stathouders. Étymol. et Hist. 1672 (P. PELLISSON-FONTANIER, Lettres hist., Paris, 1729, t. 1, p. 217: Stat-houder [it. ds le texte]; ibid., p. 218: Stathouder [it. ds le texte]). Empr. au néerl. stadhouder, de même sens. Fréq. abs. littér.:15.
DÉR. Stathoudérat, subst. masc., hist. Dignité de stathouder. [Jean de Witt] prépare la ruine de la dynastie orangiste et l'abolition du stathoudérat, qui n'était, de fait, qu'une royauté déguisée (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 54). — []. Att. ds Ac. dep. 1762. — 1re attest. 1701 (FUR.); de stathouder, suff. -at.

stathouder ou stadhouder [statudɛʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1650, stathouder; stadhouder, 1694; mot néerl., « gouverneur »; « qui tient (houder) la place (stad) du souverain » (→ Lieutenant).
Hist. Gouverneur de province, dans les Pays-Bas espagnols; dans les Provinces-Unies, Titre porté par les chefs de l'exécutif (notamment les princes d'Orange-Nassau).
DÉR. Stathoudérat.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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